Vietnam....parfum d\'Asie

Vietnam....parfum d\'Asie

DES MAINS

 

"Mon Vietnam, c'était en 1974 ; une mission périlleuse après des années d'engagement contre la guerre..."
 
Par  Lucien

 

 

 

 

 

Des mains

 

Il n'aurait fallu qu'un moment de plus pour que la mort vienne mais une main nue alors est venue qui a pris la mienne (Aragon)

                                                                                                                


J'avais posé mon baluchon

 A l'étage d'un lupanar

Quai de Belgique à Saigon

Fourmilière d'un peuple hagard

 

La fièvre des quatre-chevaux

Dans l'agitation des porteurs

Et puis l'entrechoc des bateaux

Des jonques et sampans dormeurs

 

Le duong exhalait ses tonnelles

De nuoc mam sous une chaleur

Trop pesante et pestilentielle

L'on s'activait malgré sa peur

 

Contexte révolutionnaire

Dessous leurs fortins de fortune

Dans chaque rue des militaires

Ciblaient cette foule commune

 

Évoquant le passé prospère

Des grandes banques d'Indochine

Dessous leurs façades austères

Quelques cyclo-pousses trottinent

 

Face au port à même le fleuve

Hébergés dessous les pontons

Qu'il fasse fournaise ou qu'il pleuve

Des gens nus d'autres en haillons

 

En arceau sur leurs bases arrières

Rizières devenues lagons

Les blindés et les howitzers

Crachaient l'éclair comme dragons

 

Quand mon coursier au nom Dalat

Bravait le Triangle de Fer

La ville assiégée de Ben Cat

Au feu des portes de l'enfer

 

C'était un jour vraiment torride

Au retour d'une expédition

Le long des arroyos fétides

A rechercher mes compagnons

 

Marie Vô était repartie

Me laissant seul et solitaire

Ce soir-là j'étais de sortie

Sur Lē Loi la vivante artère

 

A maudire tous les stratèges

Super-cerveaux de cette guerre

Les décideurs qui se protègent

Des champs d'horreur et de misère

 

Une petite amérasienne

Et ses grands yeux m'interpellant

Réfugia sa main dans la mienne

Et me parla chemin faisant

 

A mes cheveux et ma peau claire

Avait-elle cru reconnaître

L'image lointaine d'un père

Le soldat qui l'avait fait naître

 

Ma lâcheté valait la sienne

Je l'ai laissée les mains chargées

De gâteaux dessous la persienne

D'une boutique endommagée

 

Oublieux de son cri perçant

Pensant ma mission souveraine

Fragile oiseau rendu conscient

Aux frayeurs de la nuit prochaine

 

Il est des temps où tout vacille

Mon dakota ce vieux coucou

Avait été mis en charpie

Près de la base de Plei ku

 

Nous avions rebroussé chemin

Atterrissant mais de justesse

Dans l'attente du lendemain

Tu paraissais une princesse

 

Lorsque tu m'avais abordé

Dans la pénombre de l'hôtel

Me proposant de me border

Jusqu'au matin sacrificiel

 

L'élégance de ta tunique

Blanche comme une lycéenne

J'avais eu réponse pudique

Une main tendre sur la tienne

 

Car si le corps a ses noblesses

Respect de toi ou respect d'elles

Je ne côtoie pas la détresse

Des femmes dites de bordel

 

Des tirs sur le Col des Nuages

La guérilla se manifeste

Nos amis sont là de passage

Sur Tourane versant nord-est

 

Un seul regard nos mains se ferment

Nos espoirs un instant liés

Car nos objectifs se comprennent

Tu vois je n'ai pas oublié

 

A quoi riment ces regrets vains

D'avoir brûlé ma vie sans gloire

Je n'ai pas de sang sur les mains

Mais bien des plaies à la mémoire



17/05/2007
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 33 autres membres